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Et vous, toujours hétéro ?

Parlons sexes. Mettons-y les deux pieds sans scrupule, entrons franchement dans le vif de la chose, aujourd’hui c’est sujet qui fâche : discutons hétérosexualité, de nos jours une orientation toujours plus invraisemblable.

Oh, ne vous inquiétez pas, je n’entends pas vous assommer de mes habitudes, d’une, cette manière masculine de se flatter est bien affligeante, de deux, ce serait le moyen le plus efficace de vous faire fuir : il n’y a pas plus pénible que les amusements des autres. La complication à introduire est toute autre, je songe aux relations hommes/femmes en général, ou autrement dit à leur cohabitation à tous les niveaux de la société.

Résident des années 2000, vous voyez déjà au loin s’agiter les hordes du féminisme trop abusif contre le machisme trop primaire, des imbéciles brandissant le spectre d’une idée de la psychologie si mal vulgarisée qu’elle en est devenue vulgaire, celle d’un genre féminin et d’un genre masculin trop différents pour se comprendre simplement, et au bout du sombre tunnel cette constatation : les Français ne sont plus très anneaux. J’entends par là, cette décennie est celle des divorces toujours plus nombreux, et allant de pair, des déchirements toujours plus violents à propos des gardes d’enfants. Bref, le tableau est posé, une sorte d’état de guerre est déclaré entre les genres.

Les destinées de Vigny

Comprenez donc que, nous autres hétérosexuels, femmes comme hommes, simples petites bêtes avec notre vif désir d’amour et de bonheur partagé, nous soyons bien circonspects. L’avenir des deux sexes est-il aussi sombre que le déclamait le sentimental De Vigny dans ces mélancoliques vers : “La Femme aura Gomorrhe et l’Homme aura Sodome, / Et, se jetant, de loin, un regard irrité, / Les deux sexes mourront chacun de son côté” ?

Sacré déconneur Alfred, affirmons-le dès maintenant, hommes et femmes nous semblent avoir les moyens – et les idées – pour s’amuser encore de longues années, ce qui est bien heureux et fort agréable. Au-delà encore, un simple coup d’œil arrière suffit à se rassurer sur la situation sociale : jamais le clivage des inégalités sexuelles dans l’Histoire occidentale n’a été si étroit, on ne peut que s’en féliciter. Cependant, en parallèle un autre phénomène inverse ne s’estompe pas, l’imaginaire collectif continue à creuser le fossé entre deux genres à considérer bien différents en leur attribuant façons d’être, de penser, d’agir et rôles trop distincts pour se comprendre. Cette façon de théoriser une identité masculine et une identité féminine se développe comme pour compenser d’autres distinctions que l’on gomme.

Le malheur des castes

D’un côté, les crèmes beautés, Cosmo et son test psycho, elle, toujours en action et à l’écoute ; de l’autre, la pilosité abondante façon toison, l’homme avachi dans le canapé devant un match de foot, bière dans la main droite et main gauche profondément enfoncée dans le fourrage pour vérifier qu’elles sont toujours en bon nombre. L’archétype est violent, le trait forcé je l’admets, mais déjà dans nos esprits, l’inversion des rôles apparaît impossible. C’est bien, je vois que l’on construit les identités masculine et féminine sur de bonnes bases.

Maintenant, elle, ultra-sensible, sentimentale, émotive et tellement incomprise par lui, le grand mâle, un roc insensible, maladroit et gauche dans ses tournures, un peu obsédé, mais qui l’aime quand même vous savez. Et là, combien de fois, ais-je pu entendre d’un côté comme de l’autre, “c’est plutôt vrai tout ça”, avec parfois des agréments par M. Grobras “Eh oué, c’est ça un homme, un vrai, c’est tout”. Mais bien sûr ! En plus des chromosomes XX, les filles auraient récupéré ceux de l’émotion, de la sensibilité, des pleurs étouffés et du couinement, en plus de XY les hommes auraient hérité de ceux de l’aventure d’un soir, de l’insensibilité et de l’indépendance. Sérieusement, dans ces attitudes, outre, d’un côté le ressenti d’un caractère universel – qui ne se sent pas au fond de lui-même incompris et sensible ? – et de l’autre une façon de déguiser la domination masculine, il n’y a rien à voir.

Si j’ose écrire. Ainsi, de ces stéréotypes, on la diffame. Aussi, on ne fait pas mieux du mal.

Tous pareils

Depuis trop d'années, un des best-sellers des librairies s'intitule Les hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus, livre au concept aussi simple qu’idiot : il faut admettre que les hommes et les femmes ne viennent pas de la même planète, donc, conséquence logique, ne parlent pas la même langue, ce qui entraîne de la discorde dans les couples. Le gus qui a écrit ça, John Gray, n’est pas un vulgaire astrologue ou un énième marabout, mieux, c’est un véritable auteur de livres de “développement personnel”, et on ne peut pas lui reprocher de nous vendre du vent, il sait de quoi il parle : il a obtenu son doctorat en cours par correspondance dans une université Californienne non reconnue par les autorités, depuis fermée par la répression des fraudes.

Dans une sincérité absolue pour la paix des ménages et une réelle volonté d’arrondir sa paie de fin de mois à lui, l’auteur nous a fait de nombreux petits comme Mars et Vénus sous la couette, Mars et Vénus : petits miracles au quotidien et bien entendu Les enfants viennent du paradis, laissant en suspens cette terrible question, et mon chien, y vient d’où ?

Une nouvelle fois, cette manie de ranger les genres relève davantage du mythe collectif, et est à l’étude des caractères psychologiques ce que Pizza Paï est à la pizza traditionnelle Italienne, une contrefaçon populaire.

Cher John, êtes-vous vraiment certain qu’ils ne parlent pas le même langage ? Prenons une discussion féminine comme on se l’imagine encore trop souvent, “Sa ! Lut ! Ma ! Ché-rie ! Waah t’es trop be-lle. Oh ! Tu devineras jamais ?!” ne relève pas d’une haute dimension intellectuelle, soit. Est-ce pour autant suffisant pour conclure : voilà la différence avec ces messieurs, les filles sont des pintades aux discussions inconsistantes. Non. Reprenons M. Grobras, à blablater de ses exploits et autres satisfactions personnelles “(voix mielleuse) Non mais c’est simple, (voix triomphante) écoute, je te dis c’est rien (sourire), je l’ai fait 100 fois au moins, c’est pas un problème pour moi quoi (sourire + clin d’œil)”, croyez-le, dans 40 ans, ce type là sera toujours bloqué au même stade, mais avec les intérêts de son âge, à narrer en détails à l’assistance pileuse en émoi comment il a lui-même réparé sa télé. Tout cela est d’un intérêt. Donc n’en déplaise à ces messieurs, pour faire dans le mou, il n’y a pas un sexe mieux placé. Les deux parlent aussi bien la même langue, simplement selon les intérêts, pas des mêmes choses.

L’autre, tout simplement

Oui bien sûr, il y aura toujours des intérêts différents entre hommes et femmes. Rien à voir avec le caractère, juste une impression du moule social sur le caractère et non l’inverse : dès son plus jeune âge, à l’une on colle une poupée blonde et tous ses accessoires indispensables entre les mains, à l’autre un bulldozer triple crémaillère, comment voulez-vous... Il ne s’agit pas d’une question de caractères dissymétriques, on se plaît à le croire et pour cause. L’erreur est souvent d’y tenir au point de s’y conformer pour allier imaginaire et réalité, imposer ses choix et assouvir ses envies, ou pire s’y enfermer pour se justifier. Depuis bien longtemps on construit donc une image de l’autre sexe sur des stéréotypes, des idéaux de féminité et de masculinité. À trop s’enfermer dans ces généralités, on finit par ne plus voir l’autre dans toute sa richesse : le drame des couples de ce début de millénaire, ne serait-ce pas justement l’oubli de la singulière énigme qu’est un Autre ?

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